Auschwitz en Angleterre – Procès Derring

Déporté à Auschwitz, le docteur Dering, polonais naturalisé anglais, avait été le collaborateur docile et actif des médecins nazis procédant à des stérilisations. Il attaqua l’auteur et l’éditeur d’ ”Exodus” en diffamation car le livre faisait référence en le nommant, à cette collaboration. Adélaïde Hautval fut l’un des témoins à charge du fait de son refus, face au docteur Wirths, de participer aux expériences médicales. Ce procès est relaté dans les détails dans le livre de Mavis M. Hill et L. Norman Williams “Auschwitz en Angleterre” (Auschwitz in England a record of a libel action – MacGibbon & Kee Ltd – 1965). En conformité avec les lois anglaises, le jury reconnu la diffamation et accorda au demandeur un demi-penny d’indemnité et le docteur Dering fut contraint de payer les dépens.

Pour mieux comprendre…

les couvertures de « Auschwitz in England » et « Exodus »

Lettre de Léon Uris à Yohana Beham et sa traduction

Cher Yohanan

Un des moments les plus électrisants du procès se produisit lorsque le Dr Hautval prit position. Cette femme fut plus tard décrite, lors du résumé, par le Juge, comme étant « l’une des personnes humaines les plus grandes et les plus courageuses à avoir témoigné dans un tribunal anglais ».
Ceci correspond à mon sentiment et cela reflète le sentiment de tout à chacun qui eut l’honneur de rencontrer cette dame.
Son témoignage peut être trouvé en totalité dans la transcription, mais laissez-moi vous donner brièvement un peu de ses antécédents.
Lorsque la France fut conquise, elle était jeune, pratiquant la psychiatrie, et à la nouvelle de la maladie (ou du décès) de sa mère elle tenta de passer de la zone inoccupée à la zone occupée de la France sans papiers valables, fut prise par la Gestapo et placée dans une prison française. Elle protesta immédiatement auprès de la Gestapo à propos du traitement de prisonniers juifs, alors qu’elle est Protestante, fille d’un pasteur protestant.
La Gestapo l’informa ensuite que si elle aimait tant les Juifs, elle pourrait devenir l’une d’entre eux et elle fut contrainte à porter l’habit de prisonnier avec un badge au-dessus de la pochette portant la mention « Amie des Juifs ». Je voudrais ajouter que si nous avions eu plus d’amis tels que le Dr Hautval, il n’y aurait jamais eu d’époque Nazie.
Son emprisonnement la conduisit finalement à Auschwitz où elle fut affectée en tant que médecin dans le Block 10, c’est, comme vous le savez, là que le matériel humain destiné aux expérimentations était emprisonné. A quatre occasions différentes il lui fut ordonné de s’engager dans ces expérimentations ou d’y participer et à chaque occasion elle refusa catégoriquement. A l’une des occasions, lorsque Wirthe [Wirths], le médecin Nazi, essaya de la persuader que le programme d’expérimentation était convenable, il lui dit « Ne savez- vous pas que certaines personnes étaient différentes ? » elle répondit : « Oui, je le sais, à commencer par vous ». Plus tard, Mengele tenta de la forcer de participer à ses expérimentations sur les jumeaux et, à cette quatrième occasion, elle refusa à nouveau.
Un autre témoin, le Dr Lorska, fut co-détenue dans le Block 10. Lorska venait de Pologne pour témoigner en notre faveur, et elle est titulaire de la Croix de Guerre pour son travail clandestin en France pendant la guerre. Le Dr Lorska raconta au jury et à nous que le Dr Hautval lui adressa des paroles pour survivre. Elle a dit au Dr Lorska : « Aucune de nous ne sortira vivante, mais aussi longtemps que nous serons là, nous devons nous comporter comme des êtres humains ».
Cette grande dame a passé deux décades sans aucune reconnaissance officielle de son sacrifice et de son humanité, et je pense qu’il serait non seulement approprié, mais impératif, que le gouvernement d’Israël lui transmette une invitation à visiter la Terre Sainte, ce qu’elle souhaite profondément faire, et la cite en exemple de la plus haute source possible. Car elle est réellement « une amie des Juifs ».
Je vous exhorte de toute ma conviction de faire comprendre au Gouvernement qu’il ne faut plus tarder à ce que cette femme reste sans récompense.
Comme toujours,
Signé Leon Uris
Yohanan Beham
Secrétariat de Premier Ministre
Jérusalem, Israël

Article de Jean Rosenthal dans l’Express du 28 mai 1964 « Un témoin extraordinaire »

Texte de Haïdi écrit à la suite de ce procès dans un journal d’anciens déportés

Article de Hallam Tennyson dans the « INTELLECTUAL digest » de Mars 1972 (traduction française)